mardi 26 août 2008

Le docoteur des chats

[En attendant la fin du suspens côté financement du Café Clochette, je vous propose une série de petits billets qui se rapportent à des choses beaucoup plus légères et, possiblement, totalement hors sujet. Que ceux que cela choque veuillent bien me pardonner et sachent que je reviendrai bientôt avec du lourd et du sérieux chiffré. Ou pas. Qu'on se le dise. Ou pas.]


Vivre dans un environnement hautement félinisé comme le mien a ses avantages (spectacle permanent, absence de rongeurs, pieds au chaud la nuit) et ses inconvénients (spectacle permanent, pieds attaqués la nuit). Et puis c'est une grande responsabilité. Il faut assurer le vivre et le couvert à ces petits filous, et je vous passe les exigences en matière de menu, si si je vous les passe, c'est mieux.
En ce moment, je les prépare en douceur, tous mes minets, à ne plus mettre une patte au rez-de-chaussée, dans ce qui sera l'espace réservé au salon de thé. C'est un peu dur de la comprenette, un chat, parfois. L'un dans l'autre, ça se passe pourtant plutôt bien, d'autant que MiniLoup a vite compris la manoeuvre et se hâte d'aller sautiller en poussant des cris suraigus au bas de l'escalier dès qu'une oreille velue fait mine de s'approcher. L'oreille est rarement suivie d'autre chose. On entend un crissement de griffes sur les marches puis plus rien. A part MiniLoup qui trouve ça tellement rigolo qu'il en remet une bonne couche, pour aider, parce qu'il sait bien qu'il participe à une grande oeuvre d'éducation féline. C'est un peu bruyant, mais on s'amuse bien dans cette maison.
Puisqu'on parle de félinité, il faut absolument que je vous fasse part du vocabulaire nécessaire à la survie en milieu félin, on ne sait jamais, ça peut vous servir un jour. Et puis vous pourrez toujours utiliser vos connaissances nouvellement acquises pour frimer lors de votre prochain dîner en ville et vous me bénirez in petto, je vous en saurai gré.
Il y a d'abord le taux de félinité, qu'on définit comme le nombre de félins au mètre carré ; plus il est haut, plus on a de chances de trébucher sur un matou quand on se lève le matin, quand on ouvre le frigo ou quand on croit être seul le matin dans la salle de bain et qu'on avance le pied distraitement vers une savate posée sur le tapis devant la baignoire. Attention, ne pas confondre taux de pot-de-glutinité et taux de félinité ; certains félins ne sont pas nombreux, ils sont juste collants. Dans ce cas, on introduira le concept de coefficient de foisonnement, s'il est non négligeable c'est que l'un au moins de la tribu griffue a tendance à fourrer sa truffe froide dans votre cou à la moindre prétention d'immobilité de votre part. La densité féline est la donnée la plus importante à prendre en compte, donc, dans un environnement comme le mien.
Un autre concept utile à connaître, c'est le taux de lapin. Il fut un temps où le papa de MiniLoup travaillait avec des gens qui fourmillaient d'idées baroques. Géniales, mais... oui, baroques. L'une de ces respectables personnes créa un jour le taux de lapin. "Tu vois, quand une cliente a prévu de commander, que nous on compte dessus et qu'elle ne commande pas, c'est comme si elle nous posait un lapin. Alors le taux de lapin, c'est le nombre de clientes qui ne commandent pas rapporté au nombre de clientes global." [Celui ou celle qui devine la profession du papa de MiniLoup gagne un assortiment de petits gatos.]
Donc, le taux de lapin adapté à l'engeance féline, c'est quand on a prévu qu'un chat serait là et qu'il est ailleurs. Quand on a épluché des crevettes, que d'habitude ça les rend fous à des kilomètres à la ronde et que là, pas la queue d'un. Quand on a changé la litière et que d'habitude, ils se précipitent pour l'inaugurer et que là, rien. Quand on a malencontreusement laissé une chaussette sous l'étendoir et que d'habitude, elle se retrouve à Perpette-les-Oisillons et que là, non, elle n'a pas bougé. Une seule et unique explication à un taux de lapin anormalement élevé : l'intervention de MiniLoup. Laquelle intervention implique souvent une porte de placard, un panier retourné ou une boîte-à-chat subrepticement refermée.
Quand je parle de boîte à chat, vous voyez à quoi je fais allusion ? C'est un truc dans le genre : En règle générale (en tout cas depuis que Lady Clochette-la-Pucinette a cessé d'être d'humeur taquine sur mon lit à partir de 10h du soir jusqu'à environ 3h du matin, et sauf sieste intempestive de Timirou trop fatigué pour aller plus loin), elle ne sert qu'au transport jusque chez le docoteur des chats. Il y a le docoteur des gens, et le docoteur des chats. Le docoteur des gens laisse le matou lambda parfaitement indifférent, même le docoteur qui vient à la maison vérifier l'état de fonctionnement du bébé tout neuf (enfin lors de son arrivée ; quand le docoteur en question repart la robe imprégnée de pipi de tout petit bébé, là les narines félines frissonnent un chouia). Le docoteur des chats... Le docoteur des chats, c'est une autre histoire.
On ne le fréquente pourtant pas si souvent et d'une année sur l'autre, on se dit qu'ils ont eu le temps d'oublier. Grave erreur. Une semaine avant le rendez-vous, alors qu'on pense à tout autre chose, ils ont pourtant l'air d'avoir la puce à l'oreille. Comme le docoteur leur administrera, en même temps que du vermifuge (et oui) un anti-puce, on ne s'en inquiète pas plus que ça et on continue à faire mine de ne pas y penser. Tout en étant vaguement inquiet de la tournure possible des événements. Et le jour J, paf. Quand je dis paf, vous pouvez imaginer tout ce que vous voulez, vous serez en dessous de la réalité. Bieeeeeeen en dessous.
Ils sont pourtant trois, maintenant, il leur faut donc trois planques pour se rendre invisibles et on a l'impression de connaître toutes leurs cachettes. Que nenni. Ils ont passé l'année à en dégoter trois de plus que l'année dernière, précisément pour cette éventualité. On passe donc des heures à les chercher, puis on se décide à être fourbe et on décortique des crevettes. Si tout va bien, que MiniLoup ne les a pas capturés plus ou moins par inadvertance, en principe le taux de lapin est égal à zéro et les minous se pointent. Si tout va bien. Mettons que tout va bien et passons à l'étape suivante : la capture.
Ahahahahaha (rire sardonique et épouvanté, parce que la prochaine visite approche à grandes enjambées de papattes poilues : J - 332 ; heureusement, la route est longue et la pente est faible).
La capture, donc. Il s'agit d'attraper des échantillons de la population féline jusqu'à ce que la dite population soit réduite à zéro dans la maison et se monte à trois dans les paniers. Sur le papier, c'est facile. Sur le lino, c'est dur. Parce que ça dérape le lino, ça glisse, ça permet à ces filochards de se carapatter plus facilement, même quand on les plaque au sol. Pour les coincer dans un coin, il faut être plusieurs, et même plusieurs nombreux. Avec toujours la possibilité de se faire escalader à toutes griffes et d'attraper du vide. On nous dit dans les livres de profiter de l'élément de surprise et de ne pas tergiverser ; il faut faire vite, en gros. Vite ! comme ils y vont dans les livres. Moi, si j'étais (ce qu'à Dieu ne plaise) l'entraîneur des athlètes pour les prochains Jeux Olympiques, j'instaurerais le régime croquettes/eau claire, je suis persuadée qu'il n'y a pas mieux pour tailler à n'importe quel mammifère une pointe de vitesse supersonique. Enfin mettons qu'un chat ait été enfin capturé par la peau du cou, qu'il renonce temporairement à gigoter pour tenter de s'échapper, et qu'on s'approche précautionneusement de la cage. Qu'on a coincée dans un coin, sur une table, pour limiter les possibilités de fuite. On pousse le chat en direction de la porte qu'on a pris soin d'ouvrir avant (oui, il arrive qu'on oublie, là il n'y a plus qu'à tout recommencer). Et là, je vous prie de bien vouloir faire passer votre imagination en mode Tex Avery. Visualisez un chat appuyé de toutes ses pattes sur les côtés de l'ouverture. Vous poussez, il pousse, rien ne rentre. Vous le faites pivoter d'un quart de tour, rebelotte. Vous feintez en faisant semblant de vous éloigner un peu pour observer un détail de la tapisserie, vous revenez mine de rien vers la table, hop direction la boîte, hop les pattes toutes droites, hop loupé. Trois comme ça. Il y en a trois à faire entrer.
Bon, mettons pour faire court qu'on a réussi à faire entrer les trois, chacun dans sa boîte [indicemment, penser à ne jamais prendre de rendez-vous chez le docoteur des chats avant 16h, histoire d'arriver à tout faire en s'y mettant après le petit déjeuner]. On installe les boîtes à côté de MiniLoup dans la voiture, un MiniLoup fasciné par toute la procédure et qui en reste coi, ce qui en soi est une nouveauté mais ce jour-là on n'a pas le temps de s'en ébahir. Donc les boîtes, hop, dans la voiture. Les chats ont horreur de la voiture. Tout le long du trajet, ils font une compétition de feulements stridents, de hurlements et de cris gutturaux, sans compter les griffes affolées contre les portes des boîtes. On arrive. Sourds. On se gare. Plus un bruit. On sort. Silence. On attrape les boîtes. Ils ont tellement diminué de volume là-dedans qu'on pourrait les mettre tous les trois dans la même. Mais on n'essaie pas, ah non. On se contente de faire les gens tout à fait blasés à l'idée d'emmener leurs animaux de compagnie chez le docoteur des chats et on rentre, les jambes tremblantes mais l'air déterminé. Ou le contraire, on ne sait plus, la fatigue aidant.
Une fois arrivés dans le bureau du docoteur, ils ressemblent, individuellement, à ça (cette photo vient d'un site très rigolo dont vous trouverez l'adresse à droite, juste là) :


On serre la main du gentil docoteur de chat chauve. Docoteur chauve. De chats. C'est sa spécialité. Les chats. Bref. Il est vraiment très gentil. Et lui aussi, tiens oui comme Mister C., il a l'oeil qui pétille. Peut-être parce que l'expérience aidant, il imagine dans sa tête à lui le périple qui a précédé notre entrée dans son bureau. Peut-être qu'il est juste pétillant de l'oeil de nature. Que son oeil pétille naturellement, quoi. (Rien que d'imaginer ce calvaire m'épuise, j'ai un peu du mal avec mes phrases, là.)
MiniLoup explore tout minutieusement. Il trouve les boules de coton, escalade la table, on lui montre qu'elle le pèse automatiquement, son esprit intègre ce fait hautement intéressant dont il pourra reparler lors du dîner, puis il s'assoit sur une chaise et attend la suite du pestacle.
La suite du pestacle est décevante, tout compte fait, après une si belle et foisonnante introduction. Chaque matou est posé, complètement prostré, sur la table, subit le pesage, se fait alcool-sur-une-boule-de-cotonniser le cou puis hop, en un tour de main la piqure est faite et il retourne tout seul dans sa boîte, comme s'il n'avait fait que ça toute sa vie. Une seule fois, Timirou a eu des velléités de fuite, mais il s'est empêtré dans les fils de l'ordinateur et a dû attendre qu'on le démêle pour sortir de là ; depuis, il se tient à carreau. Il faut dire que le docoteur le tient à l'oeil. Et un vétérinaire qui vous tient à l'oeil, tous ceux qui ont suivi mes aventures jusqu'ici le savent, c'est quelqu'un qu'on ne caresse pas à rebrousse-poil.
La journée se termine en général très calmement. Le taux de lapin monte en flèche et ne redescend, lentement, que le lendemain matin. MiniLoup fait part de son expérience en matière d'attrapage/transport/pesage de chats à tous ceux qui veulent bien l'écouter. Et le reste de la population humaine de la maison respire enfin, malgré l'inquiétude qui commence à pointer : J-364.
Ah oui, dernière nouvelle. Sidonie est partie. Je n'ai plus d'araignée au plafond. Bon vent, Sidonie. Tu me manques déjà.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

maintenant je me souviens pourquoi je n'emmène jamais mon chat chez le véto;)

Stéphanie a dit…

Quelle aventure !

Si cela vous donne envie, ma voisine à 4 adorables petits chatons à donner ! 2 écailles de tortue, 1 roux comme celui de la pub friskies et 1 blanc/roux...

N'hésitez pas ;)

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