lundi 12 avril 2010

Rêves de métamorphose et de sphères macaronnées

Un des meilleurs aspects de toute l'aventure du Café Clochette, c'est qu'il m'arrive de me prendre vraiment pour une restauratrice. Parfois, quand je suis en train de dresser une assiette et que je m'apprête à poser dessus les dernières pousses de roquette ou à verser la lichette de vinaigrette à la coriandre maison avant de poser le tout à droite du plan de travail, devant une Christine dans les starting-blocks, je me dis "pfff, c'est rigolo, on dirait que je serais une cuisinière et que j'aurais un restaurant". Avant de réaliser soudainement que c'est bien la réalité. Ca me fait toujours autant d'effet. Il y a une sorte d'irréalité à tout ça, finalement, comme si avoir un restaurant c'était un truc que je crois encore hors de ma portée. Enfin c'est assez sain comme sentiment tout compte fait, on ne s'encroûte pas trop à ce régime-là. J'ose même espérer que les ingénieurs qui conçoivent les centrales nucléaires et les font fonctionner ont de semblables moments - mais qu'ils se reprennent bien vite.
Enfin tout ça est très intéressant. Mais pas autant que ma lecture favorite : le magazine mensuel des CHR. C'est un autre des bons aspects de ce métier : on est abonné, automatiquement semble-t-il puisque je ne l'ai jamais demandé, au magazine mensuel des CHR.
Ce mois-ci, la couverture est alléchante, puisqu'on y pose la question : "L'un des ingrédients pour réussir dans la restauration, c'est...". Tout à fait alléchée par cette promesse de réponse à un des dilemmes les plus préoccupants du métier, j'ai foncé sur la page suivante. Qui était en fait la vraie couverture du magazine et me promettait cette fois de retrouver en pages centrales les annonces de ventes de fonds, d'offres et de demandes d'emploi. Mouais. Il y a comme une collision intersidérale, là.
C'est en page 5 que l'on m'annonce enfin "L'un des ingrédients pour réussir dans la restauration, c'est"... et c'est, vous savez pas quoi ? Du poivre long ? du saumon frais ? des grains de raisin calibrés et sans pépins ? du persil plat ? des oignons roses de Roscoff ? Nan. C'est Davigel. Il paraît que ces messieurs de Davigel ont signé avec la Ministre de la Santé une charte d'engagement volontaire de progrès nutritionnels, alors vous pensez. Bref.
Quelques pages plus tôt, on m'indiquait que pour donner envie aux clients de manger du dessert, il y avait quelques recettes simples. Pas celle de mon fameux gâteau distrait, non, c'est plutôt une formule magique. Voyez plutôt : "Que l'on opte pour des préparations faites maison ou que l'on pratique la cuisine dite d'assemblage, il est primordial de personnaliser son service à la clientèle et de mettre en avant ses atouts." Il faut exalter les aspects gourmands et attractifs du dessert, qu'on me dit. "Si l'on choisit par exemple un dessert comme la Sphère macaronade de Davigel (tiens, tiens), il pourra être présenté ainsi sur la carte : Mousse chocolat crémeuse enfermant un coeur gourmand à la texture et à la saveur de macaron amande." Je sais pas vous, mais moi je préférais le nom d'origine, tant qu'à faire.
Sinon, on m'apprend dans ce magazine que l'Hotel Century Old Town, oeuvre de l'art décoratif praguois, est tout entier dédié à l'auteur du Procès. Il paraît qu'on peut y déguster un cocktail baptisé Rêve de Kafka ou Chapitre 1 ou y réserver la chambre 214, où officia l'auteur en tant qu'assureur. Si ça fait pas rêver, ça. Je peux quant à moi vous proposer la chambre Timirrou où le dit félin passe la majorité de ses siestes, mais il faut que vous n'ayez rien contre les poils de chat et que vous ayez une grande confiance en l'avenir, où vous pourrez dire à tout le monde que vous, vous avez dormi dans cette chambre et que tout le monde vous enviera terriblement.
Je pourrais aussi vous parler des défis que se lancent certains chefs français pour utiliser des produits japonais ces derniers temps ou vous détailler l'enquête Gira Conseil, selon laquelle la consommation alimentaire hors domicile est en recul de 2,58%. Mais je ne sais pas trop, ça ne me fait que modérément rêver, là.
Il n'y a plus qu'à attendre la prochaine livraison de ce fabuleux magazine, en espérant qu'il sera plus inspirant que celui-ci...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

es-tu sûre que çà n'est pas plutôt ton fantôme qui paie pour ton magazine, chaque mois??? ;)

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