Le mardi, c'est caddie. Il s'agit de trimballer dans des allées glaciales un chariot énorme et très lourd dont une roue sur quatre est généralement coincée (si c'est par un bout de salade, ça se résoud dans les 10 mn, sinon, non). La Mouette a su, la semaine dernière, vous évoquer un instant d'éternité au milieu de la crèmerie et du coup, hier matin, j'ai regardé d'un autre oeil mon environnement habituel. Il faut dire que d'habitude, je navigue à vue, le nez sur ma liste, sans trop m'émouvoir des autres clients, mais là, pour une fois, j'ai bien observé tout ça.
Sur le parking, il y a toujours un chien qui attend, le museau sur les pattes, que son maître ressorte de la caverne. Il est couché à côté d'un camion de pizzaiolo, mais je n'ai pas eu le courage d'attendre pour voir si c'est celui qui a tenu la patte de la Mouette. Il y a aussi plein de voitures diverses pourvues de macarons variés et un certain nombre de fourgonettes que des hommes en tee-shirt se chargent de charger de caisses de coca et de cagettes de scarole. Ou de laitue, je ne m'aventure pas assez près pour le vérifier. Il faut dire que certains d'entre eux ont un air légèrement patibulaire et qu'on ne ressent pas forcément à leurs côtés l'envie irrépressible de leur voler une feuille de salade, même pas pour des questions de vérification à fins de véracité bloggesque. Parfois aussi, ils chargent des caisses de jus de fruit, les toutes petites bouteilles, là.
A l'intérieur, le froid vous saisit progressivement. Au rayon du café, encore, ça va. Du côté du miel et des confitures, ça va toujours. Quand on arrive à la pâtisserie, on commence à ressentir quelques tiraillements du côté du cuir chevelu, sauf ce monsieur, là devant moi, qui a la gapette vissée sur l'occiput et qui compare trois bouteilles de rhum pâtissier. Il y a déjà sur son chariot quelques paquets d'amandes effilées mais je ne perds pas une seconde à détailler le reste, j'aperçois en effet une nouveauté : des éclats de caramel au beurre salé. Le temps que je m'extasie comme il se doit, le monsieur a filé. Enfin pas très vite, un chariot de trois tonnes cinq ne file pas comme ça, et il a un léger embonpoint qui ne l'aide pas à exercer une vélocité maximum. Enfin il emmène sa gapette du côté des sauces lyophilisées et j'ai quant à moi rendez-vous avec les feuilles de lasagne alors je ne traîne pas.
Il y a un truc qui s'appelle "gastronorme" et qui a rapport aux normes standard de taille des plats de cuisson dans les cuisines professionnelles, ce qui fait que je trouve des feuilles de lasagne adaptées en taille à des lasagnes de trois mètres carrés. Je choisis plus modestement des feuilles de lasagnes ordinaires en paquet destiné aux ménagères et je passe mon chemin, le temps d'attraper un sac de riz de cinq kilos. Destination crèmerie.
Je m'avance prudemment. Pas de pizzaiolo probable à l'horizon, la côte est déserte, à l'exception d'une dame qui fait un réassort du rayon du comté (des blocs de 2 kg, elle est costaud la dame). Nous nous saluons avec urbanité. J'ai le bout des doigts qui commence à figer sur la barre de mon chariot. Le temps d'attraper une quinzaine de plaques de beurre (ça nous fait du bon 7 kg en tout, quand même), ma roquette favorite, de la mozzarella et des petits chèvres frais en promotion et me voilà à la viande. Je ne vous ferai pas de récit traumatisant ; s'il y a parmi vous d'anciens enfants qui ont eu la hantise de se retrouver coincés dans la chambre froide du boucher de campagne chez qui s'approvisionnait leur grand-mère quand ils étaient petits, je préfère prendre l'élémentaires précautions. Sachez juste que le choix est cornélien toutes les semaines et que la vision de cette barbaque m'oblige à garder en tête toutes mes recettes faites et projetées avec la liste complète des ingrédients idoines, afin de profiter au mieux des possibilités offertes en ce lieu. Mon chariot est de plus en plus lourd et je sens pointer la hantise de le croiser enfin, ce pizzaiolo. Mais non, les restaurateurs sont des êtres d'habitudes et ils ne viennent toujours qu'à la même heure dans leur magasin favori (enfin favori... en tout cas ils y viennent, avec une régularité digne de mécaniques helvètes hebdomadaires). Ca signifie que... oui, il est l'heure de foncer à la caisse. Hop, rapido au rayon poissons, crevettes ou saumon cette semaine ? hop, saumon. Zou, les fines herbes à côté. Une seconde d'éternité à contempler un robot professionnel rutilant et... oui. Le voilà.
C'est le jeune restaurateur fringant, à la mine sombre et barbiche et yeux bruns. C'est l'heure où il arrive. Nous nous saluons de la tête, sobrement, comme tous les mardi matins, vers 10h30, depuis que la dame de la compta a échangé nos factures par mégarde. De semaine en semaine, il a l'air plus sombre. J'imagine que c'est la crise. D'ailleurs à y repenser, ça fait bien un an que je n'ai pas vu de joyeux messieurs échanger des plaisanteries par-dessus la tête des employés qui passent les code-barres devant leur énorme caisse à la sortie. C'est devenu très sobre, tout ça. A l'exception du premier jour de beau temps où les bras velus se sont un peu découverts pour le chargement des camionnettes et où un léger sourire semblait presque flotter sur les visages, j'ai l'impression que tout le monde est tendu. Même la dame très maquillée qui trimballe ses caisses de confiserie sur son chariot et qui plaisante avec la dame de la compta m'a l'air plus triste que d'habitude.
Enfin avec tout ça, je suis pas rentrée, moi. Allez, on se relève les manches et on charge tout ça dans la voiturette. C'est le retour à la réalité, et j'ai des tapas à faire.
Sur le parking, il y a toujours un chien qui attend, le museau sur les pattes, que son maître ressorte de la caverne. Il est couché à côté d'un camion de pizzaiolo, mais je n'ai pas eu le courage d'attendre pour voir si c'est celui qui a tenu la patte de la Mouette. Il y a aussi plein de voitures diverses pourvues de macarons variés et un certain nombre de fourgonettes que des hommes en tee-shirt se chargent de charger de caisses de coca et de cagettes de scarole. Ou de laitue, je ne m'aventure pas assez près pour le vérifier. Il faut dire que certains d'entre eux ont un air légèrement patibulaire et qu'on ne ressent pas forcément à leurs côtés l'envie irrépressible de leur voler une feuille de salade, même pas pour des questions de vérification à fins de véracité bloggesque. Parfois aussi, ils chargent des caisses de jus de fruit, les toutes petites bouteilles, là.
A l'intérieur, le froid vous saisit progressivement. Au rayon du café, encore, ça va. Du côté du miel et des confitures, ça va toujours. Quand on arrive à la pâtisserie, on commence à ressentir quelques tiraillements du côté du cuir chevelu, sauf ce monsieur, là devant moi, qui a la gapette vissée sur l'occiput et qui compare trois bouteilles de rhum pâtissier. Il y a déjà sur son chariot quelques paquets d'amandes effilées mais je ne perds pas une seconde à détailler le reste, j'aperçois en effet une nouveauté : des éclats de caramel au beurre salé. Le temps que je m'extasie comme il se doit, le monsieur a filé. Enfin pas très vite, un chariot de trois tonnes cinq ne file pas comme ça, et il a un léger embonpoint qui ne l'aide pas à exercer une vélocité maximum. Enfin il emmène sa gapette du côté des sauces lyophilisées et j'ai quant à moi rendez-vous avec les feuilles de lasagne alors je ne traîne pas.
Il y a un truc qui s'appelle "gastronorme" et qui a rapport aux normes standard de taille des plats de cuisson dans les cuisines professionnelles, ce qui fait que je trouve des feuilles de lasagne adaptées en taille à des lasagnes de trois mètres carrés. Je choisis plus modestement des feuilles de lasagnes ordinaires en paquet destiné aux ménagères et je passe mon chemin, le temps d'attraper un sac de riz de cinq kilos. Destination crèmerie.
Je m'avance prudemment. Pas de pizzaiolo probable à l'horizon, la côte est déserte, à l'exception d'une dame qui fait un réassort du rayon du comté (des blocs de 2 kg, elle est costaud la dame). Nous nous saluons avec urbanité. J'ai le bout des doigts qui commence à figer sur la barre de mon chariot. Le temps d'attraper une quinzaine de plaques de beurre (ça nous fait du bon 7 kg en tout, quand même), ma roquette favorite, de la mozzarella et des petits chèvres frais en promotion et me voilà à la viande. Je ne vous ferai pas de récit traumatisant ; s'il y a parmi vous d'anciens enfants qui ont eu la hantise de se retrouver coincés dans la chambre froide du boucher de campagne chez qui s'approvisionnait leur grand-mère quand ils étaient petits, je préfère prendre l'élémentaires précautions. Sachez juste que le choix est cornélien toutes les semaines et que la vision de cette barbaque m'oblige à garder en tête toutes mes recettes faites et projetées avec la liste complète des ingrédients idoines, afin de profiter au mieux des possibilités offertes en ce lieu. Mon chariot est de plus en plus lourd et je sens pointer la hantise de le croiser enfin, ce pizzaiolo. Mais non, les restaurateurs sont des êtres d'habitudes et ils ne viennent toujours qu'à la même heure dans leur magasin favori (enfin favori... en tout cas ils y viennent, avec une régularité digne de mécaniques helvètes hebdomadaires). Ca signifie que... oui, il est l'heure de foncer à la caisse. Hop, rapido au rayon poissons, crevettes ou saumon cette semaine ? hop, saumon. Zou, les fines herbes à côté. Une seconde d'éternité à contempler un robot professionnel rutilant et... oui. Le voilà.
C'est le jeune restaurateur fringant, à la mine sombre et barbiche et yeux bruns. C'est l'heure où il arrive. Nous nous saluons de la tête, sobrement, comme tous les mardi matins, vers 10h30, depuis que la dame de la compta a échangé nos factures par mégarde. De semaine en semaine, il a l'air plus sombre. J'imagine que c'est la crise. D'ailleurs à y repenser, ça fait bien un an que je n'ai pas vu de joyeux messieurs échanger des plaisanteries par-dessus la tête des employés qui passent les code-barres devant leur énorme caisse à la sortie. C'est devenu très sobre, tout ça. A l'exception du premier jour de beau temps où les bras velus se sont un peu découverts pour le chargement des camionnettes et où un léger sourire semblait presque flotter sur les visages, j'ai l'impression que tout le monde est tendu. Même la dame très maquillée qui trimballe ses caisses de confiserie sur son chariot et qui plaisante avec la dame de la compta m'a l'air plus triste que d'habitude.
Enfin avec tout ça, je suis pas rentrée, moi. Allez, on se relève les manches et on charge tout ça dans la voiturette. C'est le retour à la réalité, et j'ai des tapas à faire.
1 commentaire:
Ah, pour un peu, j'aurais la nostalgie de ce lieu mythique et ses rayons gargantuesques! C'est vrai que ça ne va pas être facile de le retrouver, le pizzaïolo: il était habillé en survet, avec LA veste à poches de tous les restaurateurs, l'embonpoint de beaucoup d'entre eux et l'air sûr (arrogant) de...
Enfin, tu vois le genre, un specimen parmi tant d'autres. Un indice: il s'appelle Yann. Comment ça, c'est pas un indice, des Yann, y'en a plein en Bretagne? Bah alors, il a de grosses paluches? Ah oui, comme beaucoup de ces messieurs, encore... De toute façon, tu n'auras aucun doute quand tu le croiseras - en tout cas, je te le souhaite, il vaut son pesant de cacahouète. Du genre à engouffrer les tapas par six, pas trop subtil, donc... Bizz!
PS: Et surtout, n'oublie pas: au grand magasin tu viendras, de gros pulls tu t'armeras!!
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