samedi 6 février 2010

L'art de la chute

On m'adresse ce jour un nouveau Cerfa, encore inconnu de mes services. Il s'appelle 11895*09 et il est d'une teinte de papier malade, vaguement mauve comme s'il avait passé trop de temps sur un comptoir de l'imprimerie. Il m'est envoyé par la Direction générale des finances publiques, ce qui ne laisse pas de m'impressionner et de me faire prendre conscience de la petite part que je prends à la gestion des finances de notre beau pays. Conscience qui part en mille éclats lorsque je prends connaissance du corps du texte, texte intitulé soit dit en passant "Taxe sur la valeur ajoutée bénéfices non commerciaux n° 2037 K (2010)", où l'on m'indique mon numéro de Siret, un numéro de dossier, une clé et un mystérieux code IFU (Institut des fouilles utiles ? Indice familial ultime ?), suivis d'un laïus en toutes petites lettres qui me rappelle que je suis au régime spécial BNC, ce qu'est le régime spécial BNC, à quels taux s'appliquent quelles définitions et différentes choses très intéressantes. On me rappelle également mes obligations déclaratives et comptables. En fait, si on n'est pas très attentif, on passe facilement à côté de l'information centrale de la missive, qui tient en une phrase : "Vous êtes en situation de bénéficier au titre des revenus 2009 du régime spécial BNC, vous n'aurez donc pas, cette année, à souscrire de déclaration de revenus professionnels." Ah oui oké. Mon taux d'adrénaline qui a pour habitude de bondir à la réception d'un Cerfa (bien que ça ne soit pas arrivé depuis longtemps, je crains que le toutou de Pavlov ne soit passé par là) n'a plus qu'à se rétablir tranquillement pendant que le sens de cette phrase fait son chemin. En fait, on m'envoie un Cerfa pour me dire que je n'ai rien à faire. Croyez-m'en, j'en suis toute ébaubie.
Presque autant que par la réception de mon magazine favori, celui dédié aux CHR. Captivée par autre chose sur le moment, je l'avais mis de côté sans trop m'y intéresser et je suis retombée dessus tout à l'heure. Il paraît, accrochez-vous, que Panzani révolutionne le snacking, avec une fourchette très pratique pour manger directement dans la box. J'apprends également que Joël Robuchon est toujours en ébullition (sur sa fameuse plaque à induction, sans doute) et que Ferran Adria clame à qui veut l'entendre que "El Bulli, c'est fini !" Ah chouette, ça ouvre un créneau pour les collègues, ça...
Quelques pages plus loin, un cuisinier inquiet interpelle un chef sur son blog : "j'aimerais cuisiner du poulpe, faut-il le faire bouillir congelé ou doit-on le décongeler avant? D'ailleurs, faut-il le faire bouillir ? Si oui combien de temps ? Peut-on le poêler directement ? Comment savoir s'il est prêt à être poêlé ? Faut-il le couper avant ou après l'avoir fait bouillir ? Quels sont les temps de cuisson et la technique pour le poêler (faut-il du lait, de la farine, du citron...) ?" J'imagine le blogger prendre une grande respiration avant de commencer sa réponse par ces mots : "vous posez pas mal de questions..."
Dans un article d'anthologie, on signale à mon attention que les signataires de l'accord social se rebiffent et j'ai cru un instant que c'était parce que sur la photo, leurs verres étaient vides. En fait, non, il s'agit plutôt d'une histoire de... euh... Je cite : "à la suite de la contestation par l'Umih de la rédaction d'une clause dans le préambule de l'accord, la sous-commission des négociations collectives a fini par renvoyer l'examen de ce texte au 4 février. Pour l'organisation patronale, le fait d'avoir rédigé dans son préambule que ce nouvel avenant n°6 remplace l'avenant n°2 relatif à la durée de travail conduit à annuler toutes les dispositions relatives contenues dans cet avenant n°2 - et notamment la majoration à 10% des heures supplémentaires, là où la loi prévoit un taux de 25%". Ah oui, je comprends mieux. En face, les syndicats sont outrés, et pour cause, et affirment leur attachement à un accord progressiste, ils écrivent même au Premier ministre pour ce faire. A mon avis, ils devraient en profiter pour régler aussi la question des verres vides.
Tiens, je ne sais pas pourquoi, ça m'évoque vaguement le petit encadré qui se trouve au pied de mon Cerfa chéri, là, ce cher 11895*09 :
"La charte du contribuable : des relations entre l'administration fiscale et le contribuable basées sur les principes de simplicité, de respect et d'équité."
Ca s'appelle l'art de la chute. Tout simplement.

4 commentaires:

Crocus a dit…

Juste... que de sourires en lisant tes mots... je t'entends en te lisant, je vois tes yeux qui s'écarquillent, tes joues qui rosissent... j'adore!
Bises et as soon as possible.

La Mouette a dit…

La tienne, de chute, est excellente, à l'instar de ce post! Moi aussi, je t'imagine, devant ce Cerfa encore plus absurde que d'habitude (comme quoi, tout est possible)... Le truc, c'est qu'ils ne savent pas à quel point ils sont rigolos, ces bureaucrates!

Pascale a dit…

Crocus : je t'imagine sourire en lisant, ton mini loulou sur les genoux, l'air sérieux ! à très bientôt.
Mouette : ou alors peut-être qu'ils le savent et que ça les aide à vivre, va savoir ?

fredo a dit…

Et si un de ces bureaucrates passait un jour par ici,que se dirait-il ?... Moi c'est ça qui me fait sourire !!
Bises Pascale ;-)

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