lundi 8 février 2010

Le moulin hanté, 2

« Il est venu me dire où il est caché », pensa mon beau-frère, et il décida qu’il ne dépenserait pas tout pour lui, mais qu’il en consacrerait un petit pourcentage à faire le bien autour de lui.
L’apparition s’avança vers la porte ; mon beau-frère mit son pantalon et le suivit. Le fantôme descendit l’escalier jusqu’à la cuisine, flotta jusqu’à la cheminée, soupira et disparut. Le lendemain matin, Joe fit venir des maçons et leur fit démonter l’âtre et le conduit de cheminée, un sac de pommes de terre à la main, prêt à recueillir l’or. Ils démolirent la moitié du mur et n’y trouvèrent pas même un vieux sou. Mon beau-frère ne savait pas quoi en penser.
Le lendemain soir, le vieil homme réapparut et le mena de nouveau jusqu’à la cuisine. Cette fois, cependant, plutôt que de se diriger vers la cheminée, il resta au milieu de la pièce et soupira derechef.
« Oh, je vois ce qu’il veut dire, cette fois, se dit mon beau-frère. Il est sous le plancher. Pourquoi ce vieil imbécile est-il allé se planter devant le feu pour me faire croire qu’il était dans la cheminée ? »
Ils passèrent la journée suivante à retirer le plancher, mais la seule chose qu’ils trouvèrent fut une fourchette à trois dents, dont le manche était cassé.
La troisième nuit, le fantôme apparut, nullement décontenancé, et pour la troisième fois il se rendit dans la cuisine. Une fois arrivé, il leva les yeux vers le plafond et se volatilisa.
« Mouais ! on dirait qu’il n’a pas pris pour deux sous de jugeote, là où il est allé, marmonna Joe en repartant au trot vers son lit. Il aurait pu commencer par là. »
Pourtant, cette fois, il ne semblait guère y avoir de doute quant à la localisation du trésor et juste après le petit déjeuner ils se mirent à démonter le plafond. Ils enlevèrent toutes les planches une par une, et toutes les lattes du plancher au-dessus. Ils trouvèrent à peu près autant de trésors qu’on s’attend à en trouver dans un pot au lait vide. La quatrième nuit, quand le fantôme apparut selon son habitude, mon beau-frère était tellement énervé qu’il lui lança ses bottes à la figure ; les bottes le traversèrent et cassèrent un miroir.

Jerome K. Jerome (1859-1927)
« The Haunted Mill, or the Ruined Home » dans Told After Supper (1891)
© Pascale Renaud-Grosbras pour la traduction

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