Vous connaissez tous mon beau-frère M. Parkins, commença M. Coombes en retirant sa longue pipe d’argile de sa bouche pour la mettre derrière son oreille – nous ne connaissions pas son beau-frère, mais nous affirmâmes que oui, pour gagner du temps. Vous savez donc qu’il a un jour loué un vieux moulin dans le Surrey et qu’il est allé y vivre.
Il faut que vous sachiez qu’il y a bien des années de ça, ce moulin avait été la demeure d’un vieux grippe-sou qui y était mort, laissant toute sa fortune – si l’on en croit la rumeur – enterrée quelque part là-dedans. Bien évidemment, tous ceux qui étaient venus habiter le moulin après lui avaient essayé de trouver le trésor, mais personne n’y était parvenu et les petits futés du cru disaient que personne ne le trouverait jamais, à moins que le fantôme du vieil avare ne se prenne un jour de sympathie pour un locataire et ne lui révèle le secret de la cachette.
Mon beau-frère n’attachait pas grande importance à cette histoire ; il considérait que ce n’était qu’un conte de bonne femme. Contrairement à ses prédécesseurs, il ne fit aucune tentative pour trouver le trésor caché. « À moins que les affaires n'aient été très différentes à l’époque, disait-il, je vois mal comment un meunier aurait pu arriver à économiser quoi que ce soit, aussi avare ait-il pu être ; en tout cas pas assez pour ça vaille la peine de chercher. » Pourtant, il ne parvint jamais à oublier tout à fait le trésor.
Un soir, il est allé se coucher. Ça n’a rien d’extraordinaire, je sais bien. Il était fréquent qu’il aille se coucher le soir. Ce qui est remarquable, par contre, c’est qu’au moment précis où la cloche de l’église du village sonnait le dernier coup de minuit, mon beau-frère se réveilla en sursaut et fut incapable de se rendormir.
Joe (son prénom était Joe) s’assit dans son lit et regarda autour de lui. Au pied du lit, quelque chose se tenait, immobile, enveloppé d’ombre. Cela bougea et entra dans une flaque de lune, et alors mon beau-frère vit que c’était un petit homme, très vieux et tout desséché, qui portait des hauts-de-chausses et une queue de cheval. En un instant, l’histoire du trésor caché et du vieil avare lui traversa l’esprit.
Jerome K. Jerome (1859-1927)
« The Haunted Mill, or the Ruined Home » dans Told After Supper (1891)
© Pascale Renaud-Grosbras pour la traduction
Il faut que vous sachiez qu’il y a bien des années de ça, ce moulin avait été la demeure d’un vieux grippe-sou qui y était mort, laissant toute sa fortune – si l’on en croit la rumeur – enterrée quelque part là-dedans. Bien évidemment, tous ceux qui étaient venus habiter le moulin après lui avaient essayé de trouver le trésor, mais personne n’y était parvenu et les petits futés du cru disaient que personne ne le trouverait jamais, à moins que le fantôme du vieil avare ne se prenne un jour de sympathie pour un locataire et ne lui révèle le secret de la cachette.
Mon beau-frère n’attachait pas grande importance à cette histoire ; il considérait que ce n’était qu’un conte de bonne femme. Contrairement à ses prédécesseurs, il ne fit aucune tentative pour trouver le trésor caché. « À moins que les affaires n'aient été très différentes à l’époque, disait-il, je vois mal comment un meunier aurait pu arriver à économiser quoi que ce soit, aussi avare ait-il pu être ; en tout cas pas assez pour ça vaille la peine de chercher. » Pourtant, il ne parvint jamais à oublier tout à fait le trésor.
Un soir, il est allé se coucher. Ça n’a rien d’extraordinaire, je sais bien. Il était fréquent qu’il aille se coucher le soir. Ce qui est remarquable, par contre, c’est qu’au moment précis où la cloche de l’église du village sonnait le dernier coup de minuit, mon beau-frère se réveilla en sursaut et fut incapable de se rendormir.
Joe (son prénom était Joe) s’assit dans son lit et regarda autour de lui. Au pied du lit, quelque chose se tenait, immobile, enveloppé d’ombre. Cela bougea et entra dans une flaque de lune, et alors mon beau-frère vit que c’était un petit homme, très vieux et tout desséché, qui portait des hauts-de-chausses et une queue de cheval. En un instant, l’histoire du trésor caché et du vieil avare lui traversa l’esprit.
Jerome K. Jerome (1859-1927)
« The Haunted Mill, or the Ruined Home » dans Told After Supper (1891)
© Pascale Renaud-Grosbras pour la traduction
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