Aujourd'hui, nous arrivons ensemble, cher lecteur, au cinq centième billet de ce blog.
Ces derniers temps, je me suis souvent demandée si je tenais un blog pour parler du restaurant ou si j'avais un restaurant pour justifier mon blog. Pour être totalement honnête avec vous, je n'ai pas réussi à trancher cette question hautement existentielle et passablement pourvoyeuse d'insomnies. Enfin non : les insomnies ont disparu (je suis sûre que cette nouvelle va vous faire déborder d'une joie sans mélange ; du moins si vous êtes des habitués, sans doute serez-vous rassurés d'apprendre que le risque de mordre dans un sablé auquel manque le beurre, par la faute d'une fatigue telle que je n'arrive plus à me souvenir des bases de l'artisanat pâtissier, a pratiquement disparu - à moins qu'une préoccupation d'un autre ordre ne prenne bientôt le relais, mais c'est de ça que je venais vous causer, justement), mais je continue à m'interroger sur l'avenir. Restaurant... blog... vie associative diverse et variée... vie privée diverse et variée aussi... apprentissage des langues défuntes (ou des feintes, allez savoir)... activité de maman de petit bonhomme devenu tout à fait grand en l'espace d'un instant dirait-on... tout ça commence à faire beaucoup.
Je sais que pour tous ceux qui rêvent de créer leur entreprise, l'idée que je veuille quitter la mienne alors qu'elle est en train de fonctionner comme je l'espérais risque de sembler soit outrecuidant, soit simplement idiot. Mais c'est comme ça. Pour ne pas me sentir immobile, j'ai besoin de bouger, une histoire de savoir que je suis toujours bien en vie, peut-être. Déserter lâchement Tancrède, Prosper (revenu à la vie récemment, je vous raconterai ça), Charmaine et les autres, ce n'est pas comme une désertion que je le vois, c'est plutôt comme le retour en la confiance dans le vent qui me poussera un peu plus loin sur le chemin. Précisons immédiatement et à toutes fins utiles que c'est un projet à long terme, que vous me verrez encore pendant tout un tas de mois avant que je ne parte voir ailleurs, que j'ai encore un classeur gros comme ça de recettes à tester, des tas de billets de blog encore à écrire et un livre de recettes à livrer à ceux qui l'attendent depuis un moment, et qu'enfin, selon toute probabilité, le Café Clochette survivra au départ de son initiatrice (moi), parce que j'y mettrai tout mon zèle et toutes mes énergies.
Il y a toute une partie de ma vie qui n'apparaît pas ici, simplement parce que parler de cette vie-là n'aurait pas sa place ici. Pourtant ça oriente toute mon activité, y compris au Café Clochette et dans l'avenir. En un mot comme en cinq cent, mon école buissonnière à moi me pousse du côté de la fac de théologie.
En restant au Café Clochette, l'écueil, somme toute, ce serait de se laisser aller à la facilité. Entendez-moi bien ! je ne dis pas que c'est facile de tenir le Café Clochette, loin de là, d'ailleurs c'est la principale des choses que j'ai à dire à toutes ces créatrices d'entreprise en puissance qui viennent me voir pour me demander comment on s'y prend pour ouvrir un petit salon de thé tranquille : la tranquillité, c'est fini... c'est ce que vous aurez de plus dur à faire, à l'exception sans doute d'élever un enfant. Donc ce n'est pas facile. Pourtant il y a quand même une part de facilité dans l'enchaînement du quotidien. De minute en minute, on fait face à ce qui arrive, on évolue en terrain à peu près connu, on s'appuie sur des gens souvent rencontrés et vraiment appréciés. C'est difficile à expliquer, somme toute. L'impression quand même que le quotidien, aussi palpitant soit-il, risque de nous submerger et qu'on s'y sente tellement habitué qu'on ne prenne plus de risques. Voilà, c'est peut-être ça : il faut pouvoir continuer à prendre des risques.
Certes, le risque de la rencontre, ici, c'est en permanence. Toutes les mamans qui viennent ici au détour d'un congé de maternité le savent : on n'est jamais aussi isolée que jeune maman centrée sur son bébé, que le monde extérieur ne voit plus guère que comme une maman qui n'a pas grand-chose à partager. Retrouver les rencontres, d'abord fortuites, à la boulangerie ou au détour d'une rue pour saluer les voisins, c'est important. Pouvoir trouver un lieu qui s'y prête, c'est important aussi. Ici, c'est un peu ça. Comme dirait quelqu'un que j'aime bien, ici c'est un peu le Papier Timbré version féminine - et ça me va très bien !
Le risque de la petite entreprise, si vous lisez ce blog depuis un moment, vous savez qu'on le vit ici et vous voyez à quoi ça peut correspondre. C'est étrangement grisant, terriblement frustrant, cause d'orgueil et de joie mais aussi de trouille.
Mais il y a d'autres risques. Réfléchir, par exemple. Mine de rien, ça me manque de réfléchir comme je le faisais avant. Apprendre. Des choses apparemment inutiles, par exemple. Le risque du vide, de l'inactivité, de la passivité où il peut arriver des choses inattendues. Le risque de goûter le temps qui passe. Le risque de voir grandir ses enfants pour de vrai. Le risque de risquer des mots sur du papier juste pour voir ce qui se passe. Le risque de risquer une parole différente. Le risque du service, buissonnier et poétique s'il le faut. Le risque d'aller voir ailleurs si j'y suis.
Voilà, un de ces jours j'y serai, ailleurs. Quelle trouille - et quel émerveillement. Un peu comme avoir écrit 500 billets de blog depuis le tout premier...
Ces derniers temps, je me suis souvent demandée si je tenais un blog pour parler du restaurant ou si j'avais un restaurant pour justifier mon blog. Pour être totalement honnête avec vous, je n'ai pas réussi à trancher cette question hautement existentielle et passablement pourvoyeuse d'insomnies. Enfin non : les insomnies ont disparu (je suis sûre que cette nouvelle va vous faire déborder d'une joie sans mélange ; du moins si vous êtes des habitués, sans doute serez-vous rassurés d'apprendre que le risque de mordre dans un sablé auquel manque le beurre, par la faute d'une fatigue telle que je n'arrive plus à me souvenir des bases de l'artisanat pâtissier, a pratiquement disparu - à moins qu'une préoccupation d'un autre ordre ne prenne bientôt le relais, mais c'est de ça que je venais vous causer, justement), mais je continue à m'interroger sur l'avenir. Restaurant... blog... vie associative diverse et variée... vie privée diverse et variée aussi... apprentissage des langues défuntes (ou des feintes, allez savoir)... activité de maman de petit bonhomme devenu tout à fait grand en l'espace d'un instant dirait-on... tout ça commence à faire beaucoup.
Je sais que pour tous ceux qui rêvent de créer leur entreprise, l'idée que je veuille quitter la mienne alors qu'elle est en train de fonctionner comme je l'espérais risque de sembler soit outrecuidant, soit simplement idiot. Mais c'est comme ça. Pour ne pas me sentir immobile, j'ai besoin de bouger, une histoire de savoir que je suis toujours bien en vie, peut-être. Déserter lâchement Tancrède, Prosper (revenu à la vie récemment, je vous raconterai ça), Charmaine et les autres, ce n'est pas comme une désertion que je le vois, c'est plutôt comme le retour en la confiance dans le vent qui me poussera un peu plus loin sur le chemin. Précisons immédiatement et à toutes fins utiles que c'est un projet à long terme, que vous me verrez encore pendant tout un tas de mois avant que je ne parte voir ailleurs, que j'ai encore un classeur gros comme ça de recettes à tester, des tas de billets de blog encore à écrire et un livre de recettes à livrer à ceux qui l'attendent depuis un moment, et qu'enfin, selon toute probabilité, le Café Clochette survivra au départ de son initiatrice (moi), parce que j'y mettrai tout mon zèle et toutes mes énergies.
Il y a toute une partie de ma vie qui n'apparaît pas ici, simplement parce que parler de cette vie-là n'aurait pas sa place ici. Pourtant ça oriente toute mon activité, y compris au Café Clochette et dans l'avenir. En un mot comme en cinq cent, mon école buissonnière à moi me pousse du côté de la fac de théologie.
En restant au Café Clochette, l'écueil, somme toute, ce serait de se laisser aller à la facilité. Entendez-moi bien ! je ne dis pas que c'est facile de tenir le Café Clochette, loin de là, d'ailleurs c'est la principale des choses que j'ai à dire à toutes ces créatrices d'entreprise en puissance qui viennent me voir pour me demander comment on s'y prend pour ouvrir un petit salon de thé tranquille : la tranquillité, c'est fini... c'est ce que vous aurez de plus dur à faire, à l'exception sans doute d'élever un enfant. Donc ce n'est pas facile. Pourtant il y a quand même une part de facilité dans l'enchaînement du quotidien. De minute en minute, on fait face à ce qui arrive, on évolue en terrain à peu près connu, on s'appuie sur des gens souvent rencontrés et vraiment appréciés. C'est difficile à expliquer, somme toute. L'impression quand même que le quotidien, aussi palpitant soit-il, risque de nous submerger et qu'on s'y sente tellement habitué qu'on ne prenne plus de risques. Voilà, c'est peut-être ça : il faut pouvoir continuer à prendre des risques.
Certes, le risque de la rencontre, ici, c'est en permanence. Toutes les mamans qui viennent ici au détour d'un congé de maternité le savent : on n'est jamais aussi isolée que jeune maman centrée sur son bébé, que le monde extérieur ne voit plus guère que comme une maman qui n'a pas grand-chose à partager. Retrouver les rencontres, d'abord fortuites, à la boulangerie ou au détour d'une rue pour saluer les voisins, c'est important. Pouvoir trouver un lieu qui s'y prête, c'est important aussi. Ici, c'est un peu ça. Comme dirait quelqu'un que j'aime bien, ici c'est un peu le Papier Timbré version féminine - et ça me va très bien !
Le risque de la petite entreprise, si vous lisez ce blog depuis un moment, vous savez qu'on le vit ici et vous voyez à quoi ça peut correspondre. C'est étrangement grisant, terriblement frustrant, cause d'orgueil et de joie mais aussi de trouille.
Mais il y a d'autres risques. Réfléchir, par exemple. Mine de rien, ça me manque de réfléchir comme je le faisais avant. Apprendre. Des choses apparemment inutiles, par exemple. Le risque du vide, de l'inactivité, de la passivité où il peut arriver des choses inattendues. Le risque de goûter le temps qui passe. Le risque de voir grandir ses enfants pour de vrai. Le risque de risquer des mots sur du papier juste pour voir ce qui se passe. Le risque de risquer une parole différente. Le risque du service, buissonnier et poétique s'il le faut. Le risque d'aller voir ailleurs si j'y suis.
Voilà, un de ces jours j'y serai, ailleurs. Quelle trouille - et quel émerveillement. Un peu comme avoir écrit 500 billets de blog depuis le tout premier...