samedi 12 décembre 2009

The Curse of the Ugly Meringue

Tous les restaurants, je suppose, ont leur plat maudit. Le truc qu'on s'acharne à mettre à la carte, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, la moins idiote étant que les clients aiment ça et la pire, peut-être, que ça a toujours été à la carte même si personne n'en prend jamais. Bon, au Café Clochette il n'y a pas de carte de toute façon, c'est une ardoise qui change tout le temps. Mais dans les petits gâteaux, il y a une certaine régularité, il y en a donc qui reviennent souvent. Les mantecaos ne sont jamais absents longtemps de mes fameuses boîtes, par exemple. Les croûtes à thé viennent cette semaine de faire un retour triomphal. Les sablés ont une location à l'année. Les macarons de Christine ne quittent jamais ces rivages. Et le gâteau noix de coco-caramel n'est pas près de disparaître.
Par contre, un truc qui risque de faire son concert d'adieu dans pas longtemps pour prendre une retraite bien méritée, c'est la meringue. On fera les choses bien, avec feu d'artifice, confettis, ballons à l'hélium et don d'une chaise longue pour les longues soirées d'été, mais nom d'une éponge des mers, je m'en vais l'envoyer se reposer à la campagne en deux temps trois mouvements si elle persiste à m'énerver, la meringue. A chaque fois, je retiens mon souffle quand je me retrouve avec une demi-douzaine de blancs d'oeufs. Aurai-je le cran de refaire des meringues ? parfois, non. Parfois, je fais des crrrrroustillants aux amandes, des amarettis, des rochers coco. Il m'arrive d'imaginer que je pourrais me faire un masque de beauté pour faire peur à mes chats.
Mais parfois, il me vient l'idée saugrenue de peser les blancs, de les mettre dans le bol de Prosper, de les fouetter, de les serrer avec le même poids de sucre en poudre puis d'ajouter encore la moitié de leur poids en sucre glace. Là, je tremble. Quel sera le souci ? un appareil trop liquide, qui s'étale sur la plaque, me grimpe sur les poignets, se fourre dans mes cheveux ? ça arrive, c'est très agaçant. Mais il y a aussi l'appareil parfait, qui va se poser en petits tas délicats sur la plaque, avec la petite houpette rigolote sur le dessus, et ne bougera pas quand je glisserai les plaques dans le four. Et c'est peut-être le plus inquiétant, parce que c'est à la cuisson que tout peut alors arriver. Malgré le truc infaillible de laisser la porte entrouverte à l'aide d'une cuillère en bois pour laisser s'échapper l'humidité, il arrive qu'on ait un résultat pitoyable. Les meringues qui gonflent, gonflent, gonflent, deviennent creuses à l'intérieur et qui explosent dès qu'on les touche. Celles qui deviennent dures comme de la pierre, avec une collerette de sucre fondu tout autour. Celles qui ont l'air tout à fait bien, mais qui retombent en 3 secondes à la sortie du four. Celles qui prennent une belle couleur dorée en 10 minutes puis refusent de cuire.
Et puis celles qui prennent des formes hideuses. Je jurerais que celles d'hier soir essayaient de me faire passer un message. Du genre "si tu persistes à gâcher du sucre en poudre dans des gâteaux au citron et au pavot, toua wouar ta tête à la récré". Ou "vive la betterave libre". Ou peut-être était-ce la plainte déchirante des amandes réduites en poudre sur l'autel du sacrifice rituel du brownie au chocolat. Je ne sais, mais ça m'a fichu un sacré bourdon.
Que celui ou celle qui ne s'est jamais senti menacé par sa production culinaire me lance la première louche à fruits. Ceux qui ont senti le regard lourd de menaces du résultat de leurs élans pâtissiers savent que c'est un grand moment de solitude au fond de nos cuisines.

6 commentaires:

juliette a dit…

'en connais qui vont manifester si tu arrêtes la production de meringues;-)
bisous

Fredo a dit…

Pardon mais je suis morte de rire ! Je t'imagine l'oeil hagard et le cheveu hirsute face à ta plaque à pâtisserie... Bon, comme Juliette je dirais que quand même , tu vas devoir faire un effort : trouver un stage de confection de meringues chez un chef pâtissier par exemple, mais surtout pas arrêter de nous en proposer, nom d'une cuillère en bois !

cb a dit…

Et moi qui m'extasiait devant ces si parfaites et délicates petites choses, que justement je m'étais, il y a déjà bien longtemps, jurée ne jamais retenter..

kiness: gentillesse intra-familiale, c'est trop noël.

Séverine a dit…

Oh non, n'arrête pas tes meringues maintenant. J'ai un petit jeune homme qui va être super déçu, et il ne sera pas le seul. A chaque fois qu'il voit l'assiette pleine de délicieux petits gâteaux arriver, la 1ère chose qu'il regarde, c'est si il y a des meringues. D'ailleurs nouvelle déception pour lui hier. Du coup, le seul qu'il ait bien voulu goûter a fini sur le bord de l'assiette...
Allez, petites meringues, mettez y un peu du votre aussi!

Séverine a dit…

Grâce à toi, notre petit jeune homme a délicieusement commencé sa journée de mardi, et il t'en remercie ;-).

milène-micoton a dit…

ratées aujourd'hui même mes meringues au chocolat, si ça peut te consoler ;)

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