Il y a une seule chose que je ne peux pas me procurer facilement : l'éternité. Vous me direz, ça fait un peu beaucoup et vous aurez raison. Et je vous rétorquerai que vous non plus et que vous pourriez aussi bien vous mêler de vos affaires, mais je suis un fantôme plaisant et placide et je veux bien qu'on en parle. Enfin j'ai deux-trois trucs à vous dire avant, hein, vous commencez à me connaître, je n'ai pas de poche et donc pas de langue dedans, comme qui dirait.
Pendant que la cafelière s'ingénie à désamorcer quelques bombes caloriques pour une sombre histoire de grains et d'autruches, je me tâte quant à la légitimité de bibi de donner son avis sur l'affaire en cours. Je veux dire que je brûle d'en placer une mais que, une fois n'est pas coutume, je n'ose pas. Je lui dis, ou je lui dis pas ? vous feriez quoi, vous ? Bon c'est sûr, si je ne vous dis pas de quoi je parle, vous ne risquez pas d'avoir une opinion, mais quand même. Bon, non, je vous dis pas et je lui dis rien, la dernière fois que je me suis mêlé des affaires de coeur de quelqu'un je me suis retrouvé sur un pré avec un canon court et j'y ai laissé, entre autres, quelques cheveux et une belle amitié.
Sinon, j'ai fait un tour à la bibliothèque ce matin et je suis tombé sur un copain à moi, qui venait d'emménager dans le coin pour cause de précédente demeure rasée par un promoteur. Ca nous pose toujours un cas de conscience à nous autres les fantômes quand notre demeure habituelle disparaît et qu'on doit plier bagages (figurativement, bien sûr, parce que l'avantage du statut de fantôme c'est qu'on voyage léger), parce que l'élection d'une nouvelle maison ne se fait jamais sans heurt. Pour peu qu'elle soit habitée par quelqu'un qui ne croit pas à notre existence, c'est notre existence même qui est remise en cause, figurez-vous. C'est qu'il faut, pour qu'on existe, que quelqu'un sache que c'est possible, or ça peut parfois poser problème. Il suffirait que tous les humains vivants décident du jour au lendemain de ne plus vivre que tournés vers l'avenir sans se préoccuper des fantômes qui les hantent et pouf, on n'existerait plus, c'est aussi simple que ça. Encore que... il y a des finesses, mais en gros c'est ça. Donc bon bref, à la bibliothèque je suis tombé sur Radegrande qui venait d'emménager dans le quartier, chez un jeune prof de fac qui s'appelle Xavier et que vous avez pu croiser par ici, si je ne m'abuse. Le dit Xavier étant toujours en Californie, mon copain a le temps de se faire à ses nouvelles pénates et il m'a raconté qu'il en a bien besoin, rapport à un chat qui hante déjà les lieux et qui a l'air assez moyennement ravi de laisser quelqu'un d'autre investir la place. Il arrive que nous ayons des rapports houleux avec les animaux, voyez-vous.
Ce qui m'amène à ce dont je voulais vous parler, tiens, justement. J'aime bien quand je retombe sur mes pattes en sautant du coq à l'âne, comme ça. Il semblerait que les chats du Café Clochette commencent à se douter de quelque chose et qu'ils s'inquiètent de leur avenir. J'ai beau leur expliquer qu'elle est encore là pour un moment et qu'il y aura encore des crevettes et des champignons crus à venir quémander en cuisine, ils ont comme un coup de blues. Il faut dire que la cafelière parle en dormant et que depuis quelques nuits elle se demande tout haut où elle a mis la clé du hangar de l'avion et pourquoi, s'il est garé au quatrième, l'ascenseur est encore en panne. Un certain nombre de personnages s'incrustent dans ces rêves, apparemment, mais aucun n'a réussi à retrouver la fameuse clé ni le chemin vers le quatrième. Ca a l'air de beaucoup soucier et la rêveuse et les occupants du rêve. Quant à moi, je fais ce que je peux, mais sur ce coup-là il semblerait que je puisse peu.
Que ne puis-je parfois reprendre quelque substance
Afin de rassurer matous et cafelière,
Crevettes pour les uns, clé pour la dernière,
Et qu'enfin tout le monde dorme à poings fermés,
Sans retrouver demain d'ombres sous nos paupières...
Pendant que la cafelière s'ingénie à désamorcer quelques bombes caloriques pour une sombre histoire de grains et d'autruches, je me tâte quant à la légitimité de bibi de donner son avis sur l'affaire en cours. Je veux dire que je brûle d'en placer une mais que, une fois n'est pas coutume, je n'ose pas. Je lui dis, ou je lui dis pas ? vous feriez quoi, vous ? Bon c'est sûr, si je ne vous dis pas de quoi je parle, vous ne risquez pas d'avoir une opinion, mais quand même. Bon, non, je vous dis pas et je lui dis rien, la dernière fois que je me suis mêlé des affaires de coeur de quelqu'un je me suis retrouvé sur un pré avec un canon court et j'y ai laissé, entre autres, quelques cheveux et une belle amitié.
Sinon, j'ai fait un tour à la bibliothèque ce matin et je suis tombé sur un copain à moi, qui venait d'emménager dans le coin pour cause de précédente demeure rasée par un promoteur. Ca nous pose toujours un cas de conscience à nous autres les fantômes quand notre demeure habituelle disparaît et qu'on doit plier bagages (figurativement, bien sûr, parce que l'avantage du statut de fantôme c'est qu'on voyage léger), parce que l'élection d'une nouvelle maison ne se fait jamais sans heurt. Pour peu qu'elle soit habitée par quelqu'un qui ne croit pas à notre existence, c'est notre existence même qui est remise en cause, figurez-vous. C'est qu'il faut, pour qu'on existe, que quelqu'un sache que c'est possible, or ça peut parfois poser problème. Il suffirait que tous les humains vivants décident du jour au lendemain de ne plus vivre que tournés vers l'avenir sans se préoccuper des fantômes qui les hantent et pouf, on n'existerait plus, c'est aussi simple que ça. Encore que... il y a des finesses, mais en gros c'est ça. Donc bon bref, à la bibliothèque je suis tombé sur Radegrande qui venait d'emménager dans le quartier, chez un jeune prof de fac qui s'appelle Xavier et que vous avez pu croiser par ici, si je ne m'abuse. Le dit Xavier étant toujours en Californie, mon copain a le temps de se faire à ses nouvelles pénates et il m'a raconté qu'il en a bien besoin, rapport à un chat qui hante déjà les lieux et qui a l'air assez moyennement ravi de laisser quelqu'un d'autre investir la place. Il arrive que nous ayons des rapports houleux avec les animaux, voyez-vous.
Ce qui m'amène à ce dont je voulais vous parler, tiens, justement. J'aime bien quand je retombe sur mes pattes en sautant du coq à l'âne, comme ça. Il semblerait que les chats du Café Clochette commencent à se douter de quelque chose et qu'ils s'inquiètent de leur avenir. J'ai beau leur expliquer qu'elle est encore là pour un moment et qu'il y aura encore des crevettes et des champignons crus à venir quémander en cuisine, ils ont comme un coup de blues. Il faut dire que la cafelière parle en dormant et que depuis quelques nuits elle se demande tout haut où elle a mis la clé du hangar de l'avion et pourquoi, s'il est garé au quatrième, l'ascenseur est encore en panne. Un certain nombre de personnages s'incrustent dans ces rêves, apparemment, mais aucun n'a réussi à retrouver la fameuse clé ni le chemin vers le quatrième. Ca a l'air de beaucoup soucier et la rêveuse et les occupants du rêve. Quant à moi, je fais ce que je peux, mais sur ce coup-là il semblerait que je puisse peu.
Que ne puis-je parfois reprendre quelque substance
Afin de rassurer matous et cafelière,
Crevettes pour les uns, clé pour la dernière,
Et qu'enfin tout le monde dorme à poings fermés,
Sans retrouver demain d'ombres sous nos paupières...
2 commentaires:
Bonjour cher fantôme.
Je ne sais pas si le sieur V. croit aux fantômes, mais il dit que tant que chacun arrive à vivre en bonne entente, il n'y a aucun soucis.
Je crois volontiers que les esprits dérangeants ne sont pas les bienvenus chez lui.
Nous vivons donc dans le même lieu, chacun ses passages et ses pièces favorites et tout se passe pour le mieux.
Je ne vous souhaite pas le bon vent, puisqu'avec notre poids négligeable, ce serait l'envolée sauvage assurée, je vous souhaite plutôt un mur bien épais pour vous y mettre à l'abri, lors des soufflantes bourrasques qui se déroulent régulièrement au Café Clochette.
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