vendredi 23 octobre 2009

Josh, le bouillon, le marketing et moi

Je vous écris du grand désert blanc qu'est le Café Clochette un soir de pluie, quand les familles, et je les comprends, ont décidé qu'il faisait trop noir et trop humide pour remettre un pied dehors un premier soir de vacances et qu'on ferait mieux de se faire une soirée télé en famille avec du poisson pané et Kirikou. Ou de la soupe de légumes et les Aristochats. Enfin quelque chose dans le genre, qui soit à la fois familial, confortable et au chaud. Donc ici, c'est le désert. Un désert peuplé de quelques microbes laissés en partage à sa môman par un MiniLoup partageur qui s'est débarrassé des siens à mon profit, de quelques chats qui se font rares, du parfum de l'osso buco qui mijote et d'un magazine professionnel. Mais si, vous savez, un de ces magazines professionnels des CHR qui me réjouissent tant.
Celui-là s'appelle L'Hôtellerie-Restauration et se présente comme "L'hebdo des CHR". Comme je m'ennuie un peu, je peux bien vous en toucher deux mots.
Un certain Tanguy écrit à l'expert de permanence pour lui poser une question dont on sent qu'elle le titille depuis un moment. Je cite :
"Je suis en train de faire cuire une tarte pour la première fois dans un moule en silicone. Je me pose une question hautement existentielle : comment démouler la tarte en ayant l'assurance de ne pas la casser ? Aucun problème pour une tarte Tatin ou un gâteau qu'il suffit de renverser sur une assiette après avoir laissé refroidir, mais pour une tarte ? Impossible de renverser, pas de fond amovible... Alors quelle est cette technique, ce secret serait-il si bien gardé pour que je ne trouve aucune réponse sur le net ? Quelqu'un saurait-il m'éclairer ou bien suis-je condamné à regarder ma tarte sans la goûter ?"
L'expert, bon prince, lui répond en ces termes :
"Bonjour Tanguy. L'avantage du moule en silicone c'est qu'il ne colle pas et qu'il est souple. Donc, pour démouler une tarte il suffit de plier les bords et faire glisser la tarte sur un plat. Bonne dégustation et vive la gastronomie !"
J'espère que Tanguy avait pensé à sortir la tarte du four en attendant la réponse, au fait. D'ailleurs si ça se trouve, il avait trouvé la réponse tout seul entre-temps. Si ça se trouve, il a envoyé son message sans trop réfléchir et dix minutes plus tard, il s'est donné un grand coup de paume sur le front en s'exclamant "bon sang mais c'est bien sûr" parce qu'il avait fait exactement ce que l'expert allait lui préconiser une ou deux semaines plus tard, dans le journal. C'est beau la technologie, mais ça décale les questions existentielles de façon plutôt rigolote, des fois. Enfin vive la gastronomie, ça d'accord.
On trouve aussi dans ce canard des canards, sous forme de terrine, et des foies gras : les fêtes approchent, on le sent bien. On parle DLC et DLUO, packaging et explosion de saveurs, tireuses à bière et solutions pour les sandwiches. Il y a une recette extraordinaire (du moins dans l'ordinaire du Café Clochette) de Frédéric Le Guen-Geffroy pour un Tartare de Saint-Jacques normandes à l'huile de verveine, croustilles et caviar d'Aquitaine où figure cette instruction : "une fois cuit, passer le fumet et le faire réduire à glace". Une expression si belle, si belle qu'un de ces jours je vais essayer de la caser dans une jolie recette du Café Clochette. Ouais. Enfin peut-être pas. J'aurais l'air malin.
On me demande, quelques pages plus loin, "pourquoi ne pas séparer les nouilles du bouillon dans un bol ?" (non, ce n'est pas une contrepèterie, mais on est passé pas loin à mon avis). Il paraît que l'idée de séparation des mets fait son chemin en ce moment dans les CHR et que du matériel tout beau tout nouveau permet de mettre à profit cette belle idée : "la densité et le poids sont les règles d'un nouveau jeu culinaire : faire flotter une algue ou laisser couler un ravioli ?" L'alternative, croyez-le ou non, me donne des insomnies. Le bol à bouillon, si ça vous intéresse, est en verre soufflé à la bouche au Japon.
Je ne vous quitterai pas ce soir sans avoir partagé avec vous quelques nouvelles des tendances actuelles en restauration. On m'apprend en effet que le marketing viral est une arme redoutable à utiliser, ce qui me laissa un temps dubitative jusqu'à ce que le journaliste dégaine ce chiffre : 67% de la consommation serait influencée par le bouche à oreille. Et même si en ces temps de grippe, le marketing viral par le bouche à oreille me semble en effet une arme redoutable, je ne peux qu'acquiescer, vu que cette semaine encore j'ai vu arriver ici des tas de gens qui me disaient "ça fait un an qu'on nous a parlé de votre restaurant, alors on est venus voir". Bon, les gens exagèrent, c'est sûr : ça fera un an seulement le 26 novembre. Par contre, pour les Libellules, le premier anniversaire c'est demain, whouah ! bravo Karine ! bon anniversaire !
Dans le reste de l'article, on m'affirme que "c'est la fin du marketing paillette, le début d'un marketing sincère. C'est la fin des longs discours, c'est le début d'un apport de concret par des actes qui rendront un réel service aux consommateurs." Euh... ah ? bien. Pour rendre concrète cette phrase qui m'est légèrement énigmatique, le même journaliste tente l'analyse suivante :
" Les analyses marketing sont passées de la segmentation de clientèle (choisir son restaurant par rapport à son âge, sexe, CSP...) à la segmentation comportementale (choisir un restaurant par rapport à la situation dans laquelle nous sommes, en fonction du repas recherché et du temps dont l'on dispose). Aujourd'hui nous rentrons dans une phase de segmentation émotionnelle (on va de plus en plus choisir un restaurant selon son humeur et son émotion du moment). Ces 3 segmentations se cumulent, ce qui rend de plus en plus complexe la compréhension des comportements de consommation."
A mon avis, mais ça n'engage que moi, ces gens qui me causent dans le journal, avec toutes leurs belles analyses et ces beaux "concepts" marketing, et ben ils en savent aussi peu que moi sur les raisons profondes pour lesquelles certains jours, le Café Clochette est plein, et pourquoi, ce soir, je vais aller avec bonheur retrouver un épisode de ma série américaine en cours. Joshua Lyman vient de se faire tirer dessus, l'heure est grave. Très grave.

7 commentaires:

Nathalie a dit…

Bon, ben moi, je poste pour une pioche importante. Christine, si tu passes par là ou Pascale, si tu la connais (pas Christine hein, la recette): pourrais-tu me donner la recette de ton crumble tomates-courgettes mitonné pour le fameux blabla girls!!! j'en aurais besoin pour demain soir en croisant les doigts pour que j'ai tous les ingrédients!!!Biz

Pascale a dit…

Nanou : je transmets !
bon we à vous 5...

milène-micoton a dit…

Eh bien oui, pour nous ce fut une bonne soupe de légumes (et aussi quelques st jacques quand même ...) pour ce premier soir de vacances (avec une varicelle en prime ..) On va attendre que les boutons s'estompent pour fréquenter à nouveau le café ...
A bientôt
(de la petite couture est en route ...)

Anonyme a dit…

bonjour!!
je pensais justement à toi ce matin en me levant ( si, si en me levant tu as bien lu) et j'escomptais bien, je te le dis tout de go, lire un billet sur le chr...
Super, y'en a justement un...mais , oh déception, pas d'ail!
AÏE!
alors avec impatience j'attends ce moment de grande littérature cuisinière sur le retour de l'ail moi madame Pascale! ( pis aussi je veux bien la recette de ta loyale et fidèle Christine, il était très bon son crumble)
des bises

La Mouette a dit…

Depuis que je reçois l'hebdo, je me bidonne en imaginant la tête des interlocuteurs, tous très sérieux, et qui semblent n'user de leur fantaisie que dans leurs assiettes.
C'est génial, la stratégie marketing, aussi, je sais combien ça te parle...
Merci en tout cas pour ce moment de lecture et courage! Prépare-toi aux armées de sauvages susceptibles de débarquer à tout moment, lassés du plateau-DVD!

Cath a dit…

JM s'exclame "Oh! elle regarde la saison 2!" (il a regardé les 7 en long en large et en travers)

Pascale a dit…

Milène : bon courage pour la varicelle et à bientôt !
Lèn (je suis presque sûre que c'est toi, me trompe-je ?) : honte sur moi, j'avais zappé l'ail. Je m'en vais réparer ça dès que j'ai une minute... Pour le crumble, j'en réfère à mon équipière de choc.
Mouette : c'est un privilège que d'avoir accès à la crème de la crème de la littérature de la profession, non ? ;-)
Cath : oui, on dirait que JM est un expert, c'est bien ça ! (et Donna, quelle pimbêche, non ?!)

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