Lorsque Flannery reçut le télégramme, il se mit au travail. Les six garçons qu’il avait engagés pour l’aider se mirent également au travail. Ils travaillèrent avec l’énergie du désespoir, transformant en cages des caisses à savon, des boîtes de biscuits et toutes sortes d’autres boîtes, et dès que les cages étaient terminées ils les remplissaient de cochons d’Inde qu’ils expédiaient par express à Franklin. Jour après jour, les cages de cochons d’Inde s'acheminaient en un flot ininterrompu de Westcote à Franklin, et Flannery et ses six aides continuaient à arracher, à clouer et à emballer, avec acharnement et dans la fièvre. A la fin de la semaine, ils avaient expédié deux cents quatre-vingt cages de cochons d’Inde et il restait dans l’enclos sept cents quatre cochons de plus que quand ils avaient commencé à les empaqueter.
« Arrêtez d’envoyer cochons. Entrepôt plein », annonça un télégramme à Flannery. Il arrêta d’emballer juste le temps d’envoyer la réponse « impossible d’arrêter » et continua à les envoyer. Le lendemain, un inspecteur de la compagnie arriva de Franklin par le premier train. Il avait des instructions pour faire cesser le flot de cochons d’Inde à tout prix. Au moment où il arrivait au bureau de la gare de Westcote, il vit un fourgon à bestiaux reculer jusqu’à la porte. Six garçons étaient en train d’apporter des paniers pleins de cochons d’Inde qu’ils vidaient dans le camion. A l’intérieur, Flannery, torse nu, pelletait des cochons d’Inde dans des paniers à l’aide d’une pelle à charbon. Il était à deux doigts de mettre un point final à l’épisode des cochons d’Inde.
Il leva les yeux vers l’inspecteur avec un grognement de colère.
– Encore un camion et j’en s’rai débarrassé, et on n’reprendra plus Flannery à s’intéresser à des cochons étrangers, ça non ! Y m’ont presqu’ach’vé. La prochaine fois j’saurai qu’des cochons d’n’importe quelle nationalité sont des animaux domestiques et qu’y paient le tarif inférieur.
Il recommença à pelleter avec ardeur, parlant vite entre chaque inspiration.
– La règle c’est ptêt’ la règle, mais on f’ra pas la même blague à Mike Flannery deux fois d’suite. Quand y s’agit d’bêtes en transit, zut à la règle. Tant qu’Flannery s’occup’ra d’ce bureau, un cochon c’est un animal domestique, et une vache aussi, et un cheval aussi, et un lion et un tigre et une chèvre des Rocky Mountains aussi, et le tarif c’est vingt-cinq cents.
Il s’interrompit, le temps qu’un des garçons remplace le panier qu’il venait de remplir par un panier vide. Il ne restait presque plus de cochons d’Inde. Lorsqu’il remarqua leur nombre, son optimisme et sa jovialité naturelle reprirent le dessus.
– En tout cas, remarqua-t-il joyeusement, ça aurait pu êt’ pire. Ça aurait pu êt’ des z’éléphants !
FIN
Ellis Parker Butler, Pigs is Pigs (1905), traduction de Pascale Renaud-Grosbras
« Arrêtez d’envoyer cochons. Entrepôt plein », annonça un télégramme à Flannery. Il arrêta d’emballer juste le temps d’envoyer la réponse « impossible d’arrêter » et continua à les envoyer. Le lendemain, un inspecteur de la compagnie arriva de Franklin par le premier train. Il avait des instructions pour faire cesser le flot de cochons d’Inde à tout prix. Au moment où il arrivait au bureau de la gare de Westcote, il vit un fourgon à bestiaux reculer jusqu’à la porte. Six garçons étaient en train d’apporter des paniers pleins de cochons d’Inde qu’ils vidaient dans le camion. A l’intérieur, Flannery, torse nu, pelletait des cochons d’Inde dans des paniers à l’aide d’une pelle à charbon. Il était à deux doigts de mettre un point final à l’épisode des cochons d’Inde.
Il leva les yeux vers l’inspecteur avec un grognement de colère.
– Encore un camion et j’en s’rai débarrassé, et on n’reprendra plus Flannery à s’intéresser à des cochons étrangers, ça non ! Y m’ont presqu’ach’vé. La prochaine fois j’saurai qu’des cochons d’n’importe quelle nationalité sont des animaux domestiques et qu’y paient le tarif inférieur.
Il recommença à pelleter avec ardeur, parlant vite entre chaque inspiration.
– La règle c’est ptêt’ la règle, mais on f’ra pas la même blague à Mike Flannery deux fois d’suite. Quand y s’agit d’bêtes en transit, zut à la règle. Tant qu’Flannery s’occup’ra d’ce bureau, un cochon c’est un animal domestique, et une vache aussi, et un cheval aussi, et un lion et un tigre et une chèvre des Rocky Mountains aussi, et le tarif c’est vingt-cinq cents.
Il s’interrompit, le temps qu’un des garçons remplace le panier qu’il venait de remplir par un panier vide. Il ne restait presque plus de cochons d’Inde. Lorsqu’il remarqua leur nombre, son optimisme et sa jovialité naturelle reprirent le dessus.
– En tout cas, remarqua-t-il joyeusement, ça aurait pu êt’ pire. Ça aurait pu êt’ des z’éléphants !
FIN
Ellis Parker Butler, Pigs is Pigs (1905), traduction de Pascale Renaud-Grosbras
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