jeudi 17 juin 2010

Story o' my life

Ce qu'il y a de plus irritant et de plus passionnant dans la traduction, c'est le passage d'une langue dans une autre d'un marqueur culturel invisible dans la langue usuelle, essentiellement ces petits bouts de phrase automatiques qu'on se dit entre locuteurs de la même langue, qui ne portent pas à conséquence, font avancer le discours, et disent beaucoup tout en ne disant rien. Une de ces expressions, c'est "story of my life". Si un pékin annonce à un autre "j'ai passé trois heures à étendre mon linge au soleil dans le jardin et là, l'orage a éclaté et j'ai dû tout relaver", l'autre peut tout à fait lui dire "c'est l'histoire de ma vie". En général, c'est plus rigolo que ça, mais là comme ça je n'arrive plus à remettre le neurone sur l'épisode de Friends où cette expression est employée et où c'est vraiment rigolo. Bref.
J'aurais eu tendance à traduire en français par une expression du genre "m'en parle pas" : la deuxième personne se retrouve dans le discours de la première et l'évoque sans s'appesantir. La conversation peut, soit s'arrêter là-dessus et la deuxième personne raconte sa propre histoire, soit continuer et passer à autre chose.
Ce qui me frappe, c'est que si on écoute littéralement ces deux expressions, en réalité elles recouvrent des choses exactement opposées : en anglais, c'est l'histoire qui est centrale, et une histoire c'est ce qui relie des gens entre eux et les ancrent dans une épopée commune avec des incidents propres à chacun. En français, on suspend par l'expression "m'en parle pas" la volonté d'une histoire commune, puisque c'est la volonté exprimée de ne plus parler, de ne plus participer au discours commun.
Après cette introduction effarante de pédanterie, où exactement voulais-je en venir, déjà ? Ah oui. Changer de regard. Si ces deux expressions permettent de donner voix à un sentiment commun, c'est bien qu'on peut penser différemment des choses qui se ressentent pareil. Et ça change tout. Je m'explique.
Si je rate un gâteau, je peux bouillonner d'indignation contre ce four qui fait rien de ce que je lui demande, contre la farine qui était moins humide que d'habitude, sûrement, contre les oeufs qui ne sont pas aussi gros ou contre le beurre qui refusait de fondre en rentrant dans l'appareil alors qu'on lui demandait poliment. Ou alors, je peux me dire, tiens, ça va être compliqué de retrouver la recette exacte de cette petite merveille, j'aurais dû noter comment je m'y prenais. C'est une question de regard.
Ou alors, si je n'arrive pas à trouver une minute pour répondre à toutes les personnes qui, en ce moment, me demandent des précisions sur le Café Clochette parce qu'elles pensent très fort depuis quelque temps à faire quelque chose qui y ressemble et qu'elles ont bondi de joie et sur leur clavier quand elles ont découvert ce blog, je peux soit m'arracher les quelques cheveux qui me restent, soit me dire que c'est bon signe, tous ces gens qui se posent des questions et que ça vaut le coup de prendre le temps de réfléchir à une réponse.
Ou alors, si j'ai un coup de blues parce que l'avenir me semble vraiment incertain tout à coup et que je perds pied à essayer de l'imaginer, je peux soit foncer sur la plaquette de chocolat qui traîne dans mes tiroirs (et ici, croyez-le ou non, les tablettes de chocolat pèsent 5 kg, ce qui vous donne une idée de l'étendue des dégâts à prévoir), soit me dire "bouaf, à la grâce de Dieu, on verra bien". C'est selon. Mais ça change tout.
Vous n'avez pas, vous, de ces alternatives ?
Non ?
Je suis toute seule derrière mon clavier ?
Ah.
Story o' my life.

5 commentaires:

La Mouette a dit…

M'en parle pas ;)

La Mouette a dit…

En vrai, je pratique le yin et le yang, le pour et le contre, le noir et le blanc, c'est très manichéen, cette balance, mais ça permet d'avoir d'un côté la lumière (exemple, pour le chocolat, si tu résistes, c'est ça de moins dans le lobe de l'oreille) et de l'autre l'ombre (voire le désastre, si tu attaques réellement ces plaques qui pèsent un âne mort - mais en plus appétissant).

Je ne suis pas très claire? Story o' my life...

Anonyme a dit…

tiens moi j'aurais traduit par un truc qui se rapproche: "c'est le drame de ma vie"...
en tout cas t'es point seule derrière ton écran une fois qu'on t'as lu;)

Sinon, Thom me parlait l'autre jour d'amis d'amie qui voulaient monter un truc type café poussette à nantes...je l'ai dirigée vers ton blog...hum hum hum...était-ce si judicieux???
je sais jamais si je fais bien ou pas quand je veux aider...le drame de ma vie quoi...( bon 5kg de choc, ça calme en même temps hein...)

Lèna

Pascale a dit…

Mouette : si c'est assez clair somme toute, façon ombre et lumière quoi !
Lèn : tu as bien fait, pas de souci. Il faudrait leur mentionner aussi "A l'abordage". Ca va ? bises !

Anonyme a dit…

oui je lui ai parlé de "à l'abord d'âge" aussi ( of course my darling)


heu...le cape-chat là, il est terrible, c'en est honteux :
scrothum ( et j'ai rien bu!!)

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